Je m’appelle Ka-je. J’ai presque 40 ans. Je suis divorcée et j’ai 3 enfants. Je suis d’origine africaine et je vis en Europe…
Mon ainée a presque 15 ans. Je l’ai eu avec un homme que j’ai rencontré en Europe en 2000. On se connaissait déjà en Afrique et quand je suis venue en Europe il m’a tout de suite « accaparée ». C’était complexe sur fond de croyances religieuses parce que quand je suis venue en Europe j’étais pratiquante dans une église évangélique et cet homme aussi l’était. Mon ainée, je l’ai eu en 2002. Je vivais avec cet homme qui était évangéliste à l’époque.
Je n’étudiais pas et pourtant j’étais venue en Europe avec un projet d’étudier la Médecine ! Mais vous connaissez les hommes africains. Il m’a dit de faire l’enfant d’abord et j’ai eu ma fille. Après il m’a dit de faire un autre enfant avant d’étudier. J’ai refusé et les disputes ont commencé.
Il a commencé aussi à me battre et là ma famille a commencé à dire que ce n’était pas possible. J’ai donc quitté la maison et je suis partie avec un bébé de 2 ans et demi. Ça n’a pas marché, je suis partie et lui, il a pris une autre femme.
Je me suis installée dans une ville européenne avec mon enfant de 3 ans et en 2005 j’ai commencé à étudier à l’Université. J’ai fini mes études en 2008 et j’ai commencé à travailler en tant que infirmière.
Fin 2009 j’ai rencontré l’homme avec lequel j’ai eu mes deux autres enfants. On va l’appeler TEB. Il a 7 ans de plus que moi. A cause des études et de l’enfant, ça faisait pratiquement 5 ans que je n’avais pas eu une relation réelle. J’avais eu des petites aventures mais rien de sérieux. En 2009 je commençais à m’installer avec ma petite fille.
Je l’ai rencontré sur Facebook. Il m’a écrit et on a commencé à discuter. J’ai appris qu’il était le frère d’une copine à moi qui vivait dans la même ville que moi. Lui vivait dans un autre pays d’Europe où il était demandeur d’asile depuis 7 ans. L’asile lui avait été refusé mais il continuait à faire des demandes et des recours. Il vivait dans un centre de réfugiés mais pouvait se déplacer à l’intérieur du pays. Quand on s’est connu, il m’a tout de suite dit cela, surtout qu’il savait que sa sœur pouvait me le dire.
Au début on se parlait de choses simples, la pluie, le bon temps etc…Et puis un jour il a commencé à m’envoyer les chansons d’amour, les blagues d’amour etc… Il ne m’a jamais dit clairement qu’il m’a aimée ou des choses comme ça. Il m’envoyait juste des chansons et c’est moi qui ai commencé à « m’imaginer » la naissance d’un amour.
On se parlait aussi au téléphone. Et puis un jour je lui ai dit que j’avais un projet d’acheter un appartement. Là, il m’a suggéré d’attendre en disant que lui aussi il avait un peu d’argent et qu’il envisageait d’acheter un appartement dès qu’il aura les papiers d’asile. Il riait en disant « On ne sait jamais… ». Là, moi j’ai pensé que c’est un homme prévoyant et qui a des projets concrets. C’est un homme bien mais c’est juste qu’il est dans une situation difficile ! Dans mon cœur je me suis dit « Toutes les années que j’ai attendu pour avoir un homme bon, un bon mari, peut-être que c’est enfin le bon !».
En Février 2010, il m’a demandé d’aller le voir dans la capitale de son pays d’habitation (parce que son centre de réfugiés était loin). C’était au tour de la Saint Valentin ! Il m’a rassuré et m’a dit que même si j’ai peur, il aimerait que je vienne, juste pour qu’il me voit quelque minutes. En fait il ne me draguait pas clairement pour me dire qu’il était amoureux ou des choses comme ça. Il faisait en sorte que je m’imagine et que je tire moi-même les conclusions. Et il était très rassurant. Je suis donc allée le voir.
Quand il m’a vue à l’aéroport la première chose qu’il m’a dit c’est que je ressemblais à une amie à lui. Il a dit « Oh mon Dieu mais Tu ressembles trop à DJ ! Ce n’est pas possible. Mais pourquoi tu ne fais pas tes ongles ? ». Il voulait parler des ongles qu’on ajoute, les ongles en plastique ! Il a ajouté « Tu dois le faire pour que ce soit joli ! ». Cette phrase ça m’a marqué ! Mais il parlait de DJ. Même quand on est arrivé à l’hôtel, il a appelé cette DJ pour lui dire que je suis là, etc…Il lui a dit que je lui ressemble et il a même voulu me la passer. Je lui ai parlé et la dame DJ se montrait aussi enthousiaste. Donc là, je suis rentré dans ce truc sans vraiment comprendre ce qui se passe.
Nous sommes allés manger au restaurant. Il était beau, bien habillé. Il sentait bon. Avait un charisme séduisant. Il parlait bien et ne parlais presque que de lui. Il parlait de ce qu’il faisait au centre, de ce qu’il a apprend, qu’il a pris des cours de secourisme, qu’il travaille avec les pompiers, etc… J’étais sous le charme. Il était aussi très respectueux, ne me touchais pas n’importe comment, gardais la bonne distance etc. Il m’a donc séduite et j’étais sous le charme et en confiance. Tellement en confiance que ce jour-là, j’ai fait l’amour avec lui sans me protéger alors que c’était un principe auquel je tenais. Entre temps dans nos discutions il avait eu le temps de me dire que lui était en bonne santé par rapport au VIH parce que au centre on leur faisait des analyses régulièrement etc…Il a dit qu’il ne veut pas de préservatif car lui il était sain. Il a dit que lui n’avait pas peur que je le contamine. Il a dit « Si toi tu me donne la maladie, c’est simple, je vais te traduire en justice ».
Les rapports sexuels avec lui, c’était étranger aussi ; aucun mot, aucune échange réelle. Rien de doux ou d’affectueux. J’ai eu une sensation d’être comme un objet ou une prostituée ! Mais moi j’étais très en confiance. J’avais commencé à l’aimer. Je n’ai pas prêté attention à ces choses que je ressentais de façon subtile.
Ce jour-là, je suis tombe enceinte de mon 2ième enfant.
L’autre chose qui m’a marqué dans cet hôtel c’est qu’au cours d’une discussion, il m’a dit quelque chose du genre « Par exemple toi, tu es une femme qui a de l’argent….». Aujourd’hui je me rends compte que c’était un signe. Mais à l’époque j’étais trop sous le charme pour comprendre.
Chaque chose que je disais il répondait « DJ aussi m’a dit ça » ! Il ne m’a pas parlé d’amour. On s’est promené et il m’a prise en photo. Plein de photo. Moi j’interprétais ces choses comme un signe d’amour. Comme il ne m’a rien dit, j’avais imaginé que c’est le genre d’homme prudent qui veut d’abord me connaitre. Et cela aussi m’avait mis en confiance et m’avait amené à l’aimer encore plus.
J’ai pris l’avion et je suis rentrée. Arrivée chez moi, j’ai trouvé plein de message de mes amis : « Qu’est ce qui se passe ? C’est quoi toutes tes photos de toi sur Facebook que tu as prises avec TEB ?! » En fait, après mon départ, il avait posté nos photos sur Facebook sans rien me dire ! Après il m’a appelé pour me demander si j’étais bien rentré et il n’a rien dit sur les photos qu’il avait posté sur Facebook. J’étais étonnée de ce comportement.
Après cette première rencontre, on a continué à discuter mais lui ne parlais que de lui. Il parlait de ce qu’il était avant quand il était au Pays en Afrique, de comment il avait de l’argent, de comment les filles lui courraient après, etc…Il ne disait RIEN sur moi. Il ne parlait que de lui et moi j’étais sous le charme.
J’avais commencé à être contente et je remerciais Dieu pour cette bénédiction de trouver un homme si bon et si charmant juste après mes études.
Il a commencé à me dire de revenir dans son pays pour qu’on « Fasse un enfant ». J’avais même accepté et le programme a été fait ! Pourtant, je ne lui ai même pas demandé si il aimait les enfants ou pas. En Mars j’ai manqué mes règles et j’ai su que j’étais enceinte. Je lui ai dit, il a été content et moi j’étais aux anges : j’étais convaincue que j’avais trouvé le meilleur homme du monde.
Il a commencé à me demander d’aller accoucher dans son pays. J’ai refusé en lui disant que lui vivait dans un centre de réfugiés alors que moi j’étais déjà installée, je travaillais, j’allais bénéficier de l’assurance etc… Quand j’ai refusé, il s’est fâché et m’a beaucoup boudé. Entre temps depuis que j’étais tombe enceinte, il avait commencé à disparaître et devenir injoignable au téléphone.
Un jour j’avais perdu la tête car je n’arrivais pas à le joindre au téléphone pendant 2 jours! Quand je me suis plainte de ces disparitions, il a dit « Voilà pourquoi je n’aime pas les femmes qui ont déjà eu des maris ! Là tu veux me faire payer ce que tu as vécu avec ton ex ! Quand je suis avec toi, c’est avec toi. Arrête tes jalousies. Je ne les supporte pas ». Quand il a dit ça, je me suis culpabilisée. Et j’ai vraiment arrêté de me plaindre de ne pas pouvoir le joindre. Il ne m’a jamais donné une explication de ces disparitions.
Quand ma grossesse a eu 8 mois, il m’a demandé d’aller lui rendre visite pour un mois de vacances. Je crois que c’était un plan pour que j’accouche là-bas, heureusement ça n’a pas marché. Je suis allée le visiter dans son centre et je suis restée un mois ! Pendant ce temps, je vivais des choses bizarres et pourtant je ne savais pas toutes les gaffes qu’il faisait dans le centre. Toutes les femmes avec qui il couchait, etc…Il m’a reparlé de DJ « DJ ne te fais pas confiance. Elle ne croit même pas que ta grossesse est la mienne !». Là, j’ai arrêté de parler avec DJ. Au centre j’ai commencé à entendre les autres femmes me dire des choses comme « Il faut prier beaucoup ; TEB n’est pas facile… » Et je me demandais pourquoi elles me disaient ça.
Autre chose bizarre : J’étais enceinte, avec mon gros ventre, une grossesse de huit mois et pourtant, il venait toujours sur moi pour faire le sexe en enregistrant les vidéos avec son ordinateur ! C’est après que je me suis rendu compte qu’il filmait toutes les femmes avec qui il couchait.
Je lui avais confié un secret que j’avais eu à avorter quand j’étais plus jeune et élève car j’avais eu une grossesse non souhaité avec un homme venant de l’Afrique de l’Ouest. Ce secret allait devenir une arme qu’il utilisait (et qu’il utilise encore aujourd’hui) pour m’anéantir. Chaque fois que je le surprenais entrain de faire une gaffe il ramenait ça sur le tapis « Toi qui avortes, est-ce qu’on peut se comparer à toi ?!». Même aujourd’hui que je l’ai quitté, ça continue. Il lui arrive de m’envoyer les messages que j’ai échangés avec mon ex copain ouest africain. Juste pour me rappeler de l’avortement car il sait que ça me fait extrêmement mal. Il avait gardé tous ces messages parce qu’il avait tous mes mots de passe. Bref.
Après le mois de vacance dans son Centre, je suis rentrée et je l’ai fait venir en Octobre dans mon pays de résidence. Puis, j’ai accouché en Novembre. Ce qui m’a étonné quand j’ai accouché c’est que je n’ai pas vu d’émotion chez lui.
Il ne m’avait jamais dit « Je t’aime ». JAMAIS. Donc quand j’accouchais de son enfant, Je m’attendais à ce qu’il manifeste de l’amour, qu’il soit plus émotionnel etc… J’attendais un truc quoi, un truc humain, de l’émotion. Quand j’ai accouché, je l’ai regardé. Il était là, les bras croisés comme si il attendait juste que l’enfant sorte. Je l’ai regardé et j’ai vu du VIDE dans son regard. Son visage n’exprimait AUCUNE ÉMOTION. Il ne bougeait pas, ne souriait pas, ne disait rien. N’exprimait rien. Les infirmières ont dû lui demander s’il voulait couper le cordon, et c’est là qu’il a bougé pour le faire.
L’enfant avait été enregistrée avec mon nom puisque TEB n’avait aucun document légal et que donc il n’était pas reconnu comme citoyen dans mon pays de résidence. Mais cela, il l’a très mal pris et ne voulait pas le comprendre.
Nous sommes rentrés de l’hôpital et on a commencé les procédures pour lui permettre d’ avoir les papiers et un statut légal en utilisant le mariage.
(À suivre dans l’épisode 2…)